Page:Geoffroy - Napoléon et la conquête du monde, 1836.djvu/177

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joie, et vingt fois encore pour rien, quand j’avais bu ! Je ne parle pas de la guerre, les boulets m’ont passé entre les jambes et ont grondé à mes oreilles ; deux pouces de plus, et tout était fini ; mais c’est le métier, je n’en parle pas.

— « Et ta famille ?

— « Je n’en ai pas, pas de mère, ni de femme, ni d’enfants.

— « Quoi ! tu ne tiens pas à la vie ?

— « Ça m’est égal, et si cela vous arrange, vous !

— « Qui te l’a dit ? reprit Napoléon avec égarement.

— « Personne. Faites comme il vous plaira.

— « Non ; tu vivras roi, avec ton sceptre, ta cour, tes palais, tes trésors.

— « À la bonne heure ! »

Et tous deux se turent encore. Mille sentiments déchiraient le cœur de l’empereur ; le soldat roi s’en aperçut, et se levant :

— « Sire, il faut vous décider ; si votre majesté le veut, je me tue ! et personne n’aura rien su… ou bien j’attendrai que l’on me… »

L’empereur tourna les yeux sur lui, et des larmes y coulaient ; il tendit la main à Guillaume Athon, qui la saisit et la baisa. L’empe-