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Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/289

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adam bede.

petit-lait est toujours un régal pour moi. Je le préférerais à la bière pour tous les jours.

— Oui, oui, dit madame Poyser en prenant sur la tablette un petit bol blanc et le plongeant dans la bassine de petit-lait, tout le monde aime l’odeur du pain, excepté le boulanger. Les demoiselles Irwine me disent toujours : « Ô madame Poyser, que j’envie votre laiterie ! que j’envie vos poulets ! quelle belle chose qu’une ferme ! » Et moi je dis : Oui, une ferme est une belle chose pour ceux qui la regardent, et qui ne savent pas le travail, la surveillance et les inquiétudes qui y sont attachés.

— Bon, madame Poyser, vous ne voudriez pas vivre ailleurs que dans une ferme, car vous dirigez si bien celle-ci, dit Adam en prenant le bol ; et il n’y a rien de si agréable à voir qu’une belle vache laitière enfoncée jusqu’aux genoux dans l’herbe, le lait chaud qui mousse dans le seau, et le beurre frais préparé pour le marché, les veaux et la volaille. À votre santé, et puissiez-vous toujours conserver la force de surveiller votre laiterie et d’en faire un modèle pour toutes les femmes de fermiers du pays. »

Madame Poyser n’aurait jamais eu la faiblesse de sourire d’un compliment, mais une expression de calme satisfaction éclaircit son visage comme un furtif rayon de soleil, et donna un regard plus doux que d’habitude à ses yeux bleu-gris, tandis qu’Adam buvait le petit-lait. Ah ! il me semble vraiment en sentir le goût, et cette odeur si délicate qu’on peut à peine la distinguer d’un parfum. Mon oreille entend encore cette douce musique des gouttes de lait tombant en cadence et accompagnant l’oiseau qui gazouille en dehors de la fenêtre grillée, de cette fenêtre donnant sur le jardin et ombragée par des rosiers montants.

« Encore un peu, monsieur Bede ? dit madame Poyser, comme Adam reposait le bol.