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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/272

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adam bede.

« Dinah… aidez-moi… Je ne puis rien sentir comme vous… Mon cœur est endurci. »

Dinah retint la main qui serrait la sienne et mit toute son âme dans sa voix :

« Jésus, Sauveur, qui es présent ici avec nous ! toi qui as connu la profondeur de toutes les tristesses, qui es entré dans cette sombre nuit où il n’y a point de Dieu et qui as poussé le cri d’angoisse de celui qui est abandonné, viens, Seigneur, recueillir le fruit de ton œuvre et de ton intercession. Étends la main, toi qui es puissant pour sauver, même au dernier moment, et viens au secours de cette pauvre égarée. Elle est enveloppée d’épaisses ténèbres ; les chaînes du péché pèsent sur elle, et elle ne peut bouger pour venir à toi ; elle sent seulement l’endurcissement de son cœur et ton abandon. Elle crie : À moi, à moi, ta faible créature… Sauveur, c’est le cri d’une aveugle, il s’adresse à toi. Entends-la. Dissipe son trouble. Regarde-la, Seigneur, avec ce visage d’amour et de tristesse que tu tournas vers celui qui te reniait, et fonds la dureté de son cœur.

« Vois, Seigneur ! — je l’amène comme ceux qui naguère t’amenaient les malades et les délaissés, et tu les soulageais. Je la porte sur mes bras et je te la présente. La crainte et le tremblement se sont emparés d’elle : mais c’est par l’effroi de la mort du corps. Anime-la d’un souffle de ton esprit de vie, et mets en elle une autre crainte, — l’horreur de son crime. Fais-lui redouter de garder en son cœur cette iniquité ; fais-lui sentir la présence du Dieu vivant, qui voit tout le passé et pour qui les ténèbres sont lumineuses ; qui maintenant attend à la onzième heure qu’elle se convertisse à Lui, qu’elle confesse ses fautes et implore sa miséricorde, — maintenant, avant que la nuit de la mort ne vienne et que le moment du pardon ne soit passé pour toujours, comme le jour d’hier qui ne revient jamais.