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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/292

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adam bede.

fermé la clef dans son secrétaire. Quand il ouvrit la porte, ils retrouvèrent le bougeoir où la bougie s’était consumée, la chaise à la même place où Adam se rappelait s’être assis ; là se trouvait aussi la corbeille à vieux papier, remplie de fragments chiffonnés, et tout au fond, Arthur se le rappela à l’instant, il y avait un petit fichu de soie rose. Il leur eût été désagréable d’entrer dans cet endroit si leurs pensées précédentes eussent été moins douloureuses.

Ils s’assirent en face l’un de l’autre comme naguère, et Arthur dit « Je vais partir, Adam ; je me rends à l’armée. »

Le pauvre Arthur pensait qu’Adam devait être affecté de cette nouvelle, qu’il devrait lui montrer quelque mouvement de sympathie. Mais les lèvres d’Adam restèrent serrées, et l’expression de ses traits ne changea point.

« Ce que je veux dire, continua Arthur, c’est qu’une des raisons qui me font partir est le désir que personne autre que moi ne quitte Hayslope, ne laisse sa maison à cause de moi. Je ferais tout au monde, il n’est aucun sacrifice que je ne voulusse accomplir pour éviter que quelque malheur de plus n’atteigne d’autres personnes que moi, par suite de ce qui est arrivé. »

Les paroles d’Arthur eurent précisément l’effet contraire de ce qu’il avait espéré. Adam crut y découvrir une idée de compensation à un tort irrémédiable, et l’intention de se consoler en faisant porter au mal les mêmes conséquences qu’au bien. Il était aussi fortement enclin à regarder en face les choses pénibles, qu’Arthur l’était à en détourner les yeux. Il avait de plus cet orgueil soupçonneux qui se tient en garde et qu’éprouve souvent l’homme pauvre en présence du riche.

« C’est trop tard, pour cela, monsieur. Un homme devrait faire des sacrifices pour s’empêcher de commettre le mal : mais maintenant les sacrifices ne remédieront pas à ce qui