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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/53

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adam bede.

une suite d’airs, par une variété de transitions que son oreille juste lui avait enseigné à exécuter vraiment avec quelque habileté. Il eût été exaspéré, s’il avait su que l’attention générale était trop complètement absorbée par la danse de Ben pour que personne s’occupât beaucoup de musique.

Avez-vous jamais vu un véritable villageois anglais exécuter un solo de danse ? Peut-être n’avez-vous vu qu’un villageois de ballet, souriant comme un gai paysan en terre cuite, avec la hanche gracieusement contournée et d’engageants mouvements de tête. Cela ressemble autant à la réalité que la valse « oiseau » ressemble au chant des oiseaux. Ben le Vif se gardait bien de sourire ; il avait l’air aussi sérieux qu’un singe dansant, aussi sérieux que s’il eût été un naturaliste expérimentateur, cherchant à s’assurer par lui-même du degré de secousses et de la variété des angles que pouvaient supporter les membres humains.

Pour excuser les rires immodérés partant de la tente rayée, Arthur battait continuellement des mains et criait : « Bravo ! » Mais Ben avait un autre admirateur dont les yeux suivaient tous ses mouvements avec une sérieuse gravité qui égalait la sienne propre. C’était Martin Poyser, assis sur un banc, tenant Tommy entre ses jambes.

« Que penses-tu de ça ? dit-il à sa femme. Il va aussi juste avec la musique que s’il était fait d’horlogerie. J’étais un assez bon danseur moi-même quand j’étais plus léger, mais je n’ai jamais pu saisir la mesure de l’air aussi bien que ça. »

— De quoi que soient faits ses membres, cela est assez indifférent suivant moi, répondit madame Poyser. Il a l’étage supérieur bien assez vide, autrement il ne pourrait jamais se démener et trépigner de cette manière, comme une enragée sauterelle, pour se faire voir aux gens du monde. Ils en rient à mort, à ce que je vois.