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Page:Georges Duhamel - Civilisation MCMXIV-MCMXVII, 1921.djvu/49

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SUR LA SOMME 33

tière. Il était déjà exubérant, il avait l’air affamé. Un gros de prisonniers allemands travaillait à y creuser de longues tranchées qui béaient comme autant de gueules. Deux officiers passèrent ; l’un était obèse et paraissait guetté dès le matin par le coup de sang. Il disait à l’autre, avec des gestes frénétiques :

— Nous avons deux cents fosses d’avance et presque autant de cercueils. Non ! Non ! Il ne faudra pas dire qu’elle n’a pas été préparée, cette offensive !

En effet, il y avait un grand nombre de cercueils tout prêts. Ils remplissaient une tente où l'on exposait sommairement les cadavres. Installée en plein vent, une copieuse équipe de menuisiers débitaient les planches de sapin. Ils sifflaient et chantaient innocemment, comme il est d’usage lorsque l’on occupe ses mains.

C’est à ce service que, dès le jour même, je fus affecté, sous le prétexte que je m’étais, dans ma jeunesse, occupé d'ameublement d’art.

Je connus, une fois de plus, que chaque homme juge les plus majestueux événements du seul point de vue que lui proposent sa profession et ses aptitudes. Il y avait là un sergent qui se formait une