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ESCAL-VIGOR

Kehlmark, n’ayant sondé encore l’affection absolue qu’elle lui vouait, s’était imaginé qu’elle profiterait des libéralités de la défunte pour retourner en son pays natal de Campine et s’y mettre en quête d’un épouseur sortable.

— Que veux-tu dire ? lui demanda-t-il, intimidé par l’air de douloureuse surprise qui avait envahi le visage de la jeune femme.

— Avec votre permission, monsieur Henry, je vous suivrai partout où vous jugerez bon de vous fixer, à moins que ma présence ne vous soit devenue importune…

Et des larmes de reproche tremblaient à ses cils, quoiqu’elle fît un effort pour lui sourire comme toujours.

— Pardonnez-moi, Blandine, balbutia le maladroit… Vous savez bien que nulle compagnie, nulle présence ne pourrait m’être plus précieuse que la vôtre… Mais encore ne veux-je abuser de votre abnégation… Après avoir sacrifié quelques-unes des plus belles années de votre jeunesse à soigner ma vénérable aïeule, je ne puis consentir à ce que vous vous enterriez là-bas, dans un désert, avec moi ; dans une situation fausse, exposée aux médisances de rustres malveillants ; je le puis d’au-