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ESCAL-VIGOR

Le drôle mesurait toute conscience à l’aune de la sienne. Ces malins manquent totalement de flair lorsqu’il s’agit de découvrir de nobles mobiles.

À l’Escal-Vigor, il résolut de pousser sa pointe sans plus d’hésitation. L’ennui aidant, négligée par le Dykgrave, Mme l’Intendante ouvrirait peut-être l’oreille avec un peu plus de complaisance aux déclarations du galant cocher. Si la mijaurée continuait à se retrancher derrière ses grands airs et à se draper dans sa vertu, le gaillard se flattait d’arriver à ses fins par d’autres arguments. À bout de patience et d’action persuasive, il était bien décidé à la prendre par surprise et par la force. Où serait le mal ? Diantre, elle aurait pu rencontrer un mâle plus refroidi. En fait d’avantages, le cocher se croyait au moins l’égal de son maître. La belle ne perdrait point au change.

Kehlmark continuait donc à s’accommoder du ton et des façons de ce loustic égrillard, sur le caractère et le fond duquel il s’était totalement mépris. Le comte était même tenté de croire cette licence et ce cynisme dictés par un excès de franchise, une largesse de vue presque philosophique et analogue à ses propres conceptions.