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ESCAL-VIGOR

feu éternel. Eh bien, je cours me plonger par anticipation dans ce feu, mais après avoir aspiré jusqu’aux sources de ta vie, après m’être repu des groseilles de tes lèvres, ce fruit succulent qui me désaltérera éternellement au sein de la fournaise infernale !… À moi, à moi !…

Un orage subit se déchaîna, tandis que le misérable criait ainsi vengeance au ciel.

— Ah, jubilait-il, feu du châtiment, sois mon feu de joie ! Ô Nature, brûle-moi, consume-moi ! Que tu viennes, comme ils disent, de Dieu, ou que tu émanes du Diable, que m’importe ! Viens, réunis-nous dans la mort !… Lève-toi, bel orage de la délivrance ! Je n’ai plus rien à perdre, les torrents de feu seront ruisseau frais et limpide sur ma chair, comparés à l’amour qui me dévore et qui m’a désespéré !… Viens !…

Et le maudit pressa Tiennet contre son cœur, le pressa à l’étouffer, colla ses lèvres aux siennes, ne les en détacha plus, jusqu’à ce que le feu du ciel les eût enveloppés tous deux…

En ce point de cette improvisation pathétique, la voix de Kehlmark s’éteignit en un murmure comparable à un râle.

— Oh ! mon doux enfant, gémit-il, en tombant