Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
ESCAL-VIGOR

qu’il mettait dans toutes ses entreprises, dans ses moindres actions, lui l’impulsif par excellence.

Lorsqu’elle entra, sa pâleur et son visage décomposé surprirent le comte de Kehlmark.

Aussitôt qu’il l’eut fait asseoir et se fut informé de l’objet de sa visite, elle commença résolument, sans précautions oratoires, mais la gorge nouée :

— J’ai cru de mon devoir de vous avertir, monsieur le comte, qu’on commence à s’occuper dans la contrée de la présence continuelle du fils Govaertz, ici, à l’Escal-Vigor. Passe encore qu’il vienne au château, mais je crains, Henry, que vous n’affichiez vraiment une prédilection outrée pour ce petit rustre devant ses pareils, au dehors…

— Blandine ! fit Kehlmark repoussant ses papiers, jetant sa plume et se mettant debout, confondu par l’audace de ce préambule.

— Oh pardonnez-moi, monsieur Henry, reprit-elle, je sais bien que vos actes ne les regardent pas. Mais c’est égal, les gens sont si bavards ! Voir toujours ce jeune paysan accroché à vos talons, fait travailler les imaginations et les médisances…

— Voilà bien de quoi m’inquiéter ! se récria le comte avec un rire forcé. Que voulez-vous que cela me fasse ? En vérité, Blandine, vous m’éton-