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ESCAL-VIGOR

mais ne me parle plus ainsi… C’en est fait. Loin de te blâmer, je fais plus que t’excuser, je t’approuve. Est-ce là ce que tu veux de moi ? Tiens, je me damne avec toi, je renie le baptême, l’Évangile et Jésus !

Il l’écoutait à peine, se débondait, levait toutes les vannes de son cœur.

Elle, transfigurée, l’avait assis doucement dans un fauteuil ; elle lui faisait un collier de ses bras et, joue contre joue, ils mêlaient leurs larmes. Mais elle convenait que le désespoir de Kehlmark avait la préséance sur le sien et elle consentait à n’être plus que maternelle.

— Dis-moi, Blandine, poursuivait-il, à qui m’est-il arrivé de faire du mal ? À toi ? Mais sans le vouloir ; je n’étais point celui que tu avais rêvé, ou du moins tel que tu l’eusses voulu. Je n’en puis rien. Tout le premier j’ai souffert de ta souffrance. Tu pleures en m’écoutant ; tu as raison, Blandine, si tu verses ces larmes à l’image de mon calvaire, de ma longue Passion… Ta compassion m’honore et me fait du bien. Mais si c’est de honte pour moi que tu pleures, ma chérie, si tu me réprouves et me renies, si tu partages le préjugé de ce monde occidental et protestant… oh alors,