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ESCAL-VIGOR

de simples laboureurs. Avec ces indigènes, il avait prié à cette crémaillère leurs femmes et leurs filles.

Sur sa recommandation expresse, tous et toutes avaient revêtu le costume national ou d’uniforme. Les hommes se modelaient en des vestes d’un velours mordoré ou d’un roux aveuglant, ouvrant sur des tricots brodés des attributs de leur profession : ancres, instruments aratoires, têtes de taureaux, outils de terrassiers, tournesols, mouettes, dont le bariolage presque oriental se détachait savoureusement sur le fond bleu marin, comme des armoiries sur un écusson. À de larges ceintures rouges brillaient des boucles en vieil argent d’un travail à la fois sauvage et touchant ; d’autres exhibaient le manche en chêne sculpté de leurs larges couteaux ; les gens de mer paradaient en grandes bottes goudronnées, des anneaux de métal fin adornaient le lobe de leurs oreilles aussi rouges que des coquillages ; les travailleurs de la glèbe avaient le râble et les cuisses bridés dans des pantalons de même velours que celui de leur veste, et ces pantalons, collant du haut, s’élargissaient depuis les mollets jusqu’au coup de pied. Leur petit feutre rappelait celui des basochiens au temps de Louis XI. Les femmes arboraient des coiffes à den-