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ESCAL-VIGOR

dent en l’air le lourd mouton et le laissent retomber. Les jambes se tendent, les torses se prosternent, et les croupes se redressent en cadence. On entend aussi cet air à bord des sloops de pêche. Des marins prennent leur instrument avec eux et, par leurs rhapsodies et leurs bucoliques, ils trompent les heures parfois mornes et les calmes plats du large, accordant leur plainte et leur langueur au rythme haletant des vagues.

Un des gars, élève de l’école de musique d’Upperzyde, avait transcrit ce chant pour fanfare. Le petit bugle stridait cette mélopée modulante et un peu rauque, sur un accompagnement de tubas et de trombones évoquant la basse profonde des flots.

Kehlmark considéra le joueur de bugle, un adolescent mieux découplé et plus élancé que les compagnons de son âge, aux reins cambrés, au teint d’ambre, aux yeux de velours sous de longs cils noirs, à la bouche charnue et très rouge, aux narines dilatées par de mystérieuses sensualités olfactives, aux cheveux noirs plantés drus, avantageusement moulé dans son méchant costume qui adhérait à ses formes comme leur pelage aux membres élastiques des félins. Le corps douce-