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Page:Georges Ista La Tomate 1909.djvu/1

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LA TOMATE


Sur le plateau, parmi le va-et-vient des machinistes, Marbrerot contemplait mélancoliquement son dolman de colonel, fourni par le magasin du théâtre, et dont il lui avait été impossible d’attacher les deux derniers boutons.

Parti à vingt ans pour la Comédie-Française, où devait le conduire un organe baptisé par lui-même et par lui seul « le premier creux de France », Marbrerot s’était trompé de route, et, à travers des flots d’absinthe et d’innombrables parties de manille, il était arrivé, en qualité de régisseur, sur cette petite scène de province, vouée à la revue, et que le directeur dénommait, modestement et véridiquement, « mon pince-grues ». Pour pallier l’insuffisance des appointements qu’il lui versait, le patron permettait au régisseur, de temps à autre, de monter en lever de rideau une petite pièce à tirades déclamatoires, où le premier creux de France pouvait se dérouiller un peu. Et c’est ainsi qu’on donnait, ce soir-là, Pour le Drapeau, un acte en quinze cents vers, dont douze cent cinquante pour le grand premier rôle.