Page:Georges de Scudéry - L'amour tyrannique.pdf/27

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Car au milieu des morts, du sang, et de la proie,

Le feu qui la dévore, est un beau feu de joie.

ORMÈNE

Seigneur, oyez la voix de ma juste amitié ; [375]

En faveur de mon frère, écoutez la pitié ;

Songez que la rigueur peut obscurcir la gloire,

Et n'ensanglantez point une belle victoire.

Certes quand son péché serait même infini,

Confessez-moi, seigneur, qu'il est assez puni : [380]

Bien qu'on le laisse vivre, et bien qu'on lui pardonne,

Un prince a tout perdu, quand il perd la couronne ;

Ainsi vous ne prenez que des soins superflus ;

Car Tigrane est encore, mais le prince n'est plus.

TIRIDATE

Enfin je vois votre âme, et je remarque en elle [385]

Cette lâche pitié qui la rend criminelle :

L'intérêt d'un mari qui vous devrait toucher,

Cède à celui d'un frère, infidèle, et plus cher :

Et par cette requête, à bon droit rejetée,

Vous oubliez le rang où vous êtes montée : [390]

Mais bien que votre esprit, soit pour lui contre moi,