Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/346

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que nous nous éloignons des luttes du passé. Votre cause est gagnée, Mesdemoiselles ; on ne peut plus vous appliquer l’odieuse maxime : « La force prime le droit ». Il n’y a plus à démontrer votre droit à un enseignement aussi élevé que celui des garçons, votre aptitude à le recevoir. Vous avez fait comme le philosophe devant qui l’on niait le mouvement ; vous avez marché ; vos succès ont montré vos talents. Vous peuplez les facultés ; on ne compte plus vos diplômes de bachelier, de licencié, d’agrégé, de docteur en médecine ou en droit ! Vous prenez glorieusement votre revanche de l’oppression séculaire qui vous maintenait dans l’ignorance, pour faire de vous les complices de toutes les servitudes. J’ai toujours devant les yeux ces pauvres petites écolières de Port-Royal, soumises à un travail de seize heures par jour ; gardant le silence, ou parlant bas, du lever au coucher, ne marchant jamais qu’entre deux religieuses, l’une devant, l’autre derrière, pour empêcher le péché mortel d’une distraction ; passant d’une méditation à une oraison ou à une instruction ; se récréant le dimanche par un peu d’arithmétique et astreintes à mépriser les soins d’un corps « destiné à servir aux vers de pâture »

« Il faut arriver à la fin du dix-huitième siècle, à l’époque de la Révolution, pour voir enfin traiter cette question sociale qui est la première de toutes, parce qu’elle les comprend toutes : la place que les filles