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de sa propre fortune. À la fin de l’année 711, il était rentré en Italie, se déclarait ouvertement pour le triumvirat qui venait de se constituer, et bientôt devenait collègue de Lépide au consulat. Il ne retourna pas en Gaule, passa de longues années en Orient, et n’eut plus à s’occuper de la ville qu’il avait fondée.

Débuts modestes de la colonie. — Les débuts de celle-ci durent être fort modestes. On est en général trop disposé à croire que, parce que Lyon dans les vingt dernières années avant notre ère était déjà une grande ville, une vraie capitale, elle avait pris aussitôt et de son propre élan cette importance. Volontiers on assimilerait ce développement à celui de certaines cités américaines de nos jours, que l’énergie, l’esprit d’initiative d’un peuple jeune et qui pullule, font en un clin d’œil naître, grandir, s’emplir de mouvement et d’opulence. Il n’en a pas été tout à fait ainsi de Lugudunum. Les indigènes, les Gaulois, pour le moins inquiets et passifs pendant toute la période où la domination des vainqueurs n’était pas encore absolument consacrée, n’ont pu avoir aucun rôle dans l’accroissement de cette ville romaine qui venait s’implanter sur leur territoire ; et quant à l’élément romain, il n’a pu y devenir important et puissant que lorsque de la métropole une population supplémentaire, fournie par l’intervention directe du pouvoir central, eut apporté le nombre et la force. Les établissements romains en pays nouveau ou ruiné n’ont jamais prospéré qu’à cette condition[1]. Le principe des Gracques, repris par César, puis définitivement adopté par Auguste et ses successeurs, fut celui-ci : peupler les provinces par des colonies de vétérans, revivifier la race, qui s’abâtardissait dans l’oisiveté des carrefours de Rome, en la transplantant, en la greffant sur des sols riches de jeune sève, et répandre ainsi par le monde entier la nation romaine, l’esprit romain, la vie romaine.

Les nouveaux triumvirs s’étaient réservé chacun deux provinces autour de l’Italie, et Marc-Antoine avait eu pour sa part les deux

  1. C’est ainsi que la colonie romaine de Carthage, fondée par Caïus Gracchus en 632 (122 av. J.-C), commença à dépérir dès que celui-ci ne put plus la soutenir, c’est-à-dire peu après son origine, et demeura « aliquantisper humilis et languido statu  » (Solin. XXVI, 9. Cf. Audollent, Carthage romaine, Paris 1904), jusqu’au moment où Auguste entreprit de la faire revivre en la repeuplant (725/29) et en y faisant exécuter de grands travaux.