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Quant à Caligula, qui séjourna quelque temps en Gaule, il laissa un triste souvenir de son passage à Lyon, où il inaugura son troisième consulat en l’an 40 : souvenir de prodigalités fastueuses, de rapines effrontées, de cruautés inouïes et d’excentricités ridicules. Il donna, près du fameux autel, des jeux alternés avec des concours d’éloquence grecque et latine, que concluaient de bizarres sanctions[1]. Le nom des jeux (miscelli) semble indiquer leur variété : combats de gladiateurs, courses de chars, naumachie peut-être. On n’eut évidemment pas à construire un nouvel aqueduc pour ces joutes, qui n’étaient pas prévues de longue date : on a vu plus haut, d’ailleurs, quels moyens existaient de remplir les bassins dans la presqu’île[2].

D’autre part, nous savons que ce prince avait le goût et même la manie des travaux publics. Son règne ayant été très court (37 à 41), la plupart de ceux qu’il avait entrepris n’étaient pas achevés, ou même avaient été abandonnés à l’état d’ébauches[3]. Citons avant tout les deux grands aqueducs de la région Tiburtine, qui furent repris et terminés par Claude (Aqua Claudia et Anionovus)[4]. Caïus ayant l’esprit déséquilibré, des projets extravagants naissaient dans sa cervelle en même temps que certains autres fort raisonnables. C’est ainsi qu’il eut l’idée de bâtir une ville au sommet des Alpes, fit aplanir des montagnes et surélever des plaines, pour le seul plaisir d’entreprendre des choses extraordinaires, tandis qu’il reprenait, sans assez de constance d’ailleurs pour le faire aboutir, le projet conçu par César de percer l’isthme de Corinthe[5]. Souvent, sous prétexte d’améliorer ou de construire plus beau, il opéra des bouleversements que son successeur dut réparer ; il avait notamment renversé un certain nombre d’arcades

  1. Suét., Caligula, 20. « On raconte que les vaincus y payaient les prix dus aux vainqueurs, puis qu’on les contraignait à composer les éloges de ceux-ci. Quant à ceux qui avaient été jugés les plus mauvais, il leur était ordonné d’effacer leurs écrits avec une éponge ou même avec leur langue, à moins qu’ils ne préférassent être battus de verges ou plongés dans l’eau tout près de là. » Ce concours inspirait un effroi légitime à ceux qui l’affrontaient.

    Palleat ut nudis pressit qui calcibus anguem,
    Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad aram

    (Juvénal, sat., I, 43, 44.)
  2. V. ci-dessus, p. 18.
  3. Il acheva pourtant le temple d’Auguste et le théâtre de Pompée. Il éleva les murs et les temples de Syracuse (Suét., Calig. 21).
  4. Frontin, De aquis, 13.
  5. Suét., Cal., 37.