LETTRE VIII.
HÉLAS ! voilà que nous revenons. Savez-vous
que j’ai été au moment de vous aimer,
même de l’Asie, et de vous l’écrire d’Azoph ?
Une maudite prudence ; des médecins et des
ministres, quoique l’Impératrice ne croie ni
aux uns ni aux autres, nous ont empêché de
sortir de l’Europe, si tant est que l’on puisse
appeler ainsi ce que nous avons vu, et ce qui
lui ressemble si peu. Je sais qu’il n’est pas à la
mode de croire ni les voyageurs, ni les courtisans,
ni le bien qu’on dit de la Russie. Ceux
même d’entre les Russes qui sont fâchés de
n’avoir pas été avec nous, prétendront qu’on
nous a trompés, et que nous trompons. On a déjà
répandu le conte ridicule qu’on faisoit transporter
sur notre route des villages de carton
de cent lieues à la ronde ; que les vaisseaux
et les canons étoient en peinture, la cavalerie
sans chevaux, etc. Voilà deux mois que je jette
l’argent par les fenêtres ; cela m’est déjà arrivé,
mais pas de cette manière-ci ; ce sont des millions
que j’ai peut-être déjà distribués : voici
comme cela se fait. À côté de moi, en voiture.