Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/114

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l’honneur d’être Turcs. Le prince me fait venir : ils étoient devant lui avec l’air consterne. Je tremble d’abord, mais j’espère bientôt après qu’il est trop humain pour leur faire couper la tête. Ces quatre hommes, qui ne partageoient pas mon espérance, ëprouvoient mes craintes. Le prince les fait saisir ; je tremble encore bien plus, mais je ne vois pas de sabre levé. Dans l’instant, on les précipite dans une cuve immense que je n’avois pas remarquée. — Voilà, grâce au ciel, me dit le prince, les Mahométans baptisés par notre immersion grecque. — Et bien enrhumés, lui dis-je ; mais Dieu soit loué.

Il avoit eu une idée unique, celle de former un régiment de juifs qui s’appeloit Israelowsky. Nous en avions déjà un escadron qui faisoit mon bonheur, car les barbes qui leur tomboient jusqu’aux genoux, tant leurs étriers étoient courts, et la peur qu’ils avoient à cheval leur donnoient l’air de singes. On lisoit leur inquiétude dans leurs yeux ; et les grandes piques qu’ils tenoient de la manière la plus comique, faisoient croire qu’ils avoient voulu contrefaire les cosaques.

Je ne sais quel maudit pape a persuadé à notre maréchal qu’un rassemblement quelconque étoit contraire à la sainte Écriture.