Ce 1 août 1788.
C’EST dans ma tente, sur le bord de la mer Noire, pendant une nuit brûlante qui m’empêche de dormir, que je me retrace toutes les choses extraordinaires qui se passent sous mes yeux. Je viens de voir gagner quatre batailles navales à un volontaire qui, depuis l’âge de quinze ans, a su acquérir de la gloire par des aventures brillantes : brave et joli petit aide-de-camp d’un général qui l’employa beaucoup, lieutenant d’infanterie, capitaine de dragons, courtois chevalier, vengeant les injures des femmes, ou redressant les torts de la société ; quittant, pour faire le tour du monde, tous les plaisirs, dont il est dédommage un instant par la Reine Otaïti, en Asie ; tuant des monstres, comme Hercule : de retour en Europe, colonel d’un régiment d’infanterie françoise et d’un régiment de cavalerie allemande, sans savoir l’allemand ; chef d’une expédition, capitaine de vaisseau, presque brûlé et noyé au service d’Espagne, major-général de l’armée espagnole, officier-général au service de trois pays dont il ne sait pas la