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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/182

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courts, concis et clairs qu’il donne un jour de bataille, et qui sont toujours faciles à traduire et à comprendre ; son mérite, dans la justesse de ses idées ; ses ressources, dans un grand caractère bien prononcé qu’on lit sur sa figure, et ses succès, dans un courage sans égal de corps et d’esprit.

Je vois un commandant d’armée (le prince Potemkin) qui a l’air paresseux, et qui travaille sans cesse ; qui n’a d’autre bureau que ses genoux, d’autre peigne que ses doigts ; toujours couché, et ne dormant ni jour, ni nuit, parce que son zèle pour la souveraine, qu’il adore, l’agite toujours, et qu’un coup de canon qu’il n’essuie pas l’inquiète, par l’idée qu’il coûte la vie à quelques-uns de ses soldats. Peureux pour les autres, brave pour lui ; s’arrêtant sous le plus grand feu d’une batterie pour y donner ses ordres, cependant plus Ulysse qu’Achille ; inquiet avant tous les dangers, gai quand il y est ; triste dans les plaisirs, malheureux à force d’être heureux, blasé sur tout, se dégoûtant aisément ; morose, inconstant ; philosophe profond, ministre habile, politique sublime ou enfant de dix ans ; point vindicatif, demandant pardon d’un chagrin qu’il, a causé, réparant vile une injustice ; croyant aimer Dieu, craignant le diable, qu’il s’imagine