Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/184

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en vérité dans le fond de son cœur ; fantasque pour ses heures, ses repas, son repos et ses goûts ; voulant tout avoir comme un enfant, sachant se passer de tout comme un grand homme ; sobre, avec l’air gourmand ; rongeant ses ongles, des pommes ou des navets ; grondant ou riant, contrefaisant ou jurant, polissonnant ou priant, chantant ou méditant ; appelant, renvoyant ; rappelant vingt aides-de-camp sans leur rien dire ; supportant le chaud mieux que personne, en avant l’air de ne songer qu’aux bains les plus recherchés ; se moquant du froid en avant l’air de ne pouvoir se passer de fourrures ; toujours sans caleçon, en chemise ou en uniforme brodé sur toutes les tailles ; pieds nus ou en pantoufles à paillons brodés, sans bonnet ni chapeau : c’est ainsi que je l’ai vu une fois aux coups de fusil ; tantôt en mauvaise robe de chambre ou avec une tunique superbe, avec ses trois plaques, ses rubans et des diamans gros comme le pouce autour du portrait de l’Impératrice : ces diamans semblent placés là pour attirer les boulets ; courbé, pelotonné quand il est chez lui, et grand, le nez en l’air, fier, beau, noble, majestueux ou séduisant quand il se montre à son armée, tel qu’Agamemnon au milieu des rois de la Grèce.