Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/21

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si ma lettre à Jean-Jaques Rousseau qui avoit été imprimée dans les papiers publics étoit de moi ? Je lui répondis : Sire, je ne suis pas assez célèbre pour que l’on prenne mon nom. Il sentit ce que je voulois dire. On sait qu’Horace Walpole prit celui du Roi pour écrire à Jean-Jacques la fameuse lettre qui contribua le plus à tourner la tête de cet éloquent et déraisonnable homme de génie.

En sortant du spectacle, l’Empereur dit au Roi de Prusse : Voilà Noverre, ce fameux compositeur de ballets ; il a, je crois, été à Berlin. Noverre fit là-dessus une belle révérence de maître à danser. Ah ! je le connois, dit le Roi ; nous l’avons vu à Berlin ; il y étoit bien drôle ; il contrefaisoit tout le monde, et nos danseuses surtout, à mourir de rire. Noverre, peu content de cette manière de se souvenir de lui, fit encore une belle révérence à la troisième position, et espéra que le Roi lui fourniroit de lui-même l’occasion d’une petite vengeance. Vos ballets sont beaux, lui dit-il ; vos danseuses ont de la grâce, mais c’est de la grâce engoncée. Je trouve que vous leur faites trop lever les épaules et les bras : car, Monsieur Noverre, si vous vous en souvenez, notre première danseuse de Berlin n’étoit pas comme cela.