Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/28

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pas assez de tenue dans l’esprit ; voulant être craint, et n’étant qu’aimé ; croyant mener le parlement, et être un duc de Beaufort pour le peuple, peu considéré de l’un, et peu connu de l’autre ; propre à tout et capable de rien. Cela est si vrai, ajoutai je, que sa mère disoit un jour de lui : Mon fils a bien de l’esprit. Oh ! il en a beaucoup ; on en voit d’abord une grande étendue, mais il est en obélisque ; il va toujours en diminuant, à mesure qu’il s’élève, et finit par une pointe, comme un clocher. — Ce portrait parut amuser le Roi. Il falloit le captiver par quelque détail un peu piquant ; sans cela il vous échappoit, ou ne vous donnoit plus le tems de parler. L’entretien commençoit d’ordinaire par les premiers mots assez vagues d’une conversation quelconque, mais il trouvoit moyen de les rendre intéressans : ce qu’on dit souvent de la pluie et du beau tems devenoit tout de suite du sublime, et jamais on n’entendit de lui quelque chose de vulgaire. Il ennoblissoit tout, et les exemples des Grecs, des Romains, ou des généraux modernes venoient bientôt dissiper tout ce qui, chez un autre, seroit resté trivial et commun. — Avez-vous jamais vu une pluie comme celle d’hier ? Les bons catholiques de chez vous diront : Voilà ce que c’est que d’avoir un homme