Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/319

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nomie lui ouvrent leurs trésors, la mécanique ses atteliers. Ses fables sont, depuis La Fontaine, les plus charmantes qu’on ait écrites en françois : qui peut savoir où s’arrêtera l’esprit qui commence ainsi ? Ne soyez point effrayé de ce phénomène, il fait des merveilles sans être merveilleux. Ne soyez point inquiet non plus de son humeur, ou de ses sombres méditations, car souvent ce jeune Young se met à rire comme un fou, et ne finit plus ; ou bien un rien le fait recommencer. Il est bon, simple, naïf, insouciant sur son compte, et n’a pas le sot orgueil de la modestie, car il ne sait pas ce qu’il vaut. Il avance quelquefois son petit paradoxe, comme s’il avoit envie de le soutenir à toute rigueur ; on dispute, il ne s’en aperçoit pas ; on rit, cela lui est égal. Quand il a de petits torts, c’est toujours à force d’avoir raison, et la justesse de son esprit ne cède qu’à l’exaltation de son ame. Ce mot que je viens de prononcer me donneroit bien de l’occupation si je voulois en dire tout ce que j’en ai remarqué : comme elle sert bien son esprit ! quelle sensibilité dans ses actions ! quelle originalité ! quel choix d’expressions ! quelle teinte de mélancolie douce et attendrissante dans ses ouvrages ! Et quand cette ame va toute seule elle se lire encore très-bien d’affaire : c’est