Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/321

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PORTRAIT DE Mad. DE B….


AUPARAVANT MADAME DE SA….


VOULEZ-VOUS connoître la femme à la fois la plus et la moins femme, aimée des femmes, quoique adorée des hommes ; celle que les hommes aiment encore après l’avoir adorée ; la plus faite pour plaire et la plus incapable d’y songer, celle qui sait le mieux ce qui va au cœur sans jamais s’en être rendu compte, qui peut le mieux toucher les cordes sensibles de l’ame sans avoir réduit en talent son instinct, enfin qui a le plus de la sensibilité de son sexe et le moins de ses défauts ? tâchez de connoître Éléonore. Cela ne vous sera pas si facile. La célébrité ne vous l’annoncera point, car Éléonore l’a toujours redoutée. Son esprit pourroit la soutenir, mais une sorte de pudeur qui ne s’exprime pas, et que tout exprime en elle, lui a toujours fait un besoin de l’éviter. Éléonore a bien mieux que ce qui est célèbre, elle a ce qui est rare, et sa réputation involontaire est tout-à-fait comparable au parfum qui trahit la plus modeste des fleurs.