Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/329

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L’Esprit. Tu ne crois donc rien ^ toi-même ?

Le Cap. Au contraire, je crois tout ; je prouve ce qui est clair, j’ai de la foi pour ce qui ne l’est pas. Mettant les choses au pis ou au mieux, comme vous l’entendez, pour l’autre monde, je me fais heureux dans celui-ci.

L’Esprit. Tu n’es donc pas théologien ?

Le Cap. Je ne suis que logicien ; c’est par justesse dans l’esprit que j’arrête mon esprit lorsqu’il me mène dans un casse-cou d’où je ne pourrois pas le lirei’.

L’Esprit. Tu ne veux donc pas, tu n’oses pas assurer qu’il y a un Dieu ?

Le Cap. Je l’adore : je ris de ceux qui disent qu’il n’y en a pas. Je regarde le firmament comme Cicéron, et je chante avec David : Cœli enarrant Dei gloriam, et je prononce avec J. B. Rousseau : Les cieux instruisent la terre, etc.

L’Esprit. Et ton ame, capucin ? l’ame d’un capucin !

Le Cap. Je pense, voilà ma réponse.

L’Esprit. Le monde…..

Le Cap. N’est pas venu tout seul au monde, et ne va pas si mal qu’on dit.

L’Esprit. Les mystères…..

Le Cap. Sont des mystères, comme vous les appelez très-bien ; tout est possible à celui qui a fait l’impossible.

L’Esprit. Les miracles

Le Cap. Ont été faits ou imaginés dans le tems qu’il étoit nécessaire de faire renoncer aux prodiges du paganisme et à la sorcellerie, qui étoit bien plus absurde encore que le paganisme.