Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/352

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sieur, j’ai donné tous les dessins. Voyez ce dégagement et cet escalier. Eh bien ! — Monsieur, ce qui m’a attiré en Suisse, c’est le plaisir de voir M. de Haller. (M. de Voltaire rentroil dans son cabinet.) Monsieur, Monsieur, cela doit vous avoir beaucoup coûté. Quel charmant jardin ! Oh ! par exemple, disoit M. de Voltaire (en revenant), mon jardinier est une bête ; c’est moi. Monsieur, qui ai tout fait. — Je le crois. Ce M. de Haller, Monsieur, est un grand homme. — (M. de Voltaire rentroit.) — Combien de tems faut-il. Monsieur, pour bâtir un château à peu près aussi beau que celui-ci ? — (M. de Voltaire revenoit dans le sallon.) Sans le faire exprès, ils me jouèrent la plus jolie scène du monde ; et M. de Voltaire m’en donna bien d’autres plus comiques encore par ses vivacités, ses humeurs, ses repentirs. Tantôt homme de lettres, et puis seigneur de la cour de Louis XIV, et puis l’homme de la meilleure compagnie.

Il étoit comique lorsqu’il faisoit le seigneur de village ; il parloit à ses manans comme à des ambassadeurs de Rome, ou des princes de la guerre de Troie. Il ennoblissoit tout. Voulant demander pourquoi on ne lui donnoit jamais du civet à dîner, au lieu de s’en informer tout uniment, il dit à un vieux garde : Mon