Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/41

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avec un son de voix fort doux, assez bas, et aussi agréable que le mouvement de ses lèvres, qui avoit une grâce inexprimable : c’est ce qui faisoit, je crois, qu’on ne s’apercevoit pas qu’il fût, ainsi que les héros d’Homère, un peu babillard, mais sublime. La voix, le bruit et les gestes des bavards leur valent souvent cette réputation ; car on ne pouvoit certainement pas trouver un plus grand parleur que le Roi ; mais on étoit charmé qu’il le fût. Accoutumé à causer avec le marquis de Lucchesini, seulement devant quatre ou cinq généraux qui ne savoient pas le françois, il se dédommageoit ainsi de ses heures de travail, de lecture, de méditation et de solitude.

Encore, me disois-je, à moi-même, il faudra bien que je dise un mot : il venoit de nommer Virgile. — Quel grand poëte ! Sire ; mais quel mauvais jardinier ! — A qui le dites-vous ? répondit le Roi : n’ai-je pas voulu planter, semer, labourer, piocher, les Géorgiques à la main ? Mais, Monsieur, me disoit mon homme, vous êtes une bête, et votre livre aussi : ce n’est pas ainsi qu’on travaille. Ah ! mon Dieu, quel climat ! croiriez-vous que Dieu, ou le soleil me refuse tout ? voyez mes pauvres orangers, mes oliviers, mes citronniers ; tout cela meurt de faim. — Il n’y a donc que