Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/86

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les bras et les pieds croises, sur leurs toits. Je trouve parmi eux un Albanois qui sait un peu l’Italien ; je lui dis de leur demander s’ils sont heureux, ou si je puis leur être utile, et s’ils savent que l’Impératrice me les a donnés. Ils me font dire qu’ils savent, en genéral, qu’on les a partagés, et qu’ils ne comprennent pas trop ce que cela veut dire ; qu’ils sont heureux jusqu’à présent ; que s’ils cessent de l’être ils s’embarqueront sur les deux navires qu’ils ont construits eux-mêmes, et qu’ils se réfugieront chez les Turcs, dans la Romanie. Je leur fais dire que j’aime les paresseux, mais que je veux savoir de quoi ils vivent. Ils me montrent quelques moutons couchés sur l’herbe, ainsi que moi : je bénis les paresseux. Ils me montrent leurs arbres à fruit, et me font dire que lorsque la saison de les cueillir est arrivée, le Kaimakan vient de Barczisarai pour en prendre la moitié : chaque famille en vend pour deux cents francs par an ; et il y a quarante-six familles tant à Parthenizza qu’à Nikita, autre petite terre qui m’appartient, et dont le nom grec signifie victoire. Je bénis les paresseux. Je leur promets d’empêcher qu’on ne les tourmente. Ils m’apportent du beure, du fromage et du lait, qui n’est point du tout de leurs jumens, comme chez les Tarlares. Je bénis les paresseux, et je retombe dans mes réflexions.