Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/330

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L’Esprit. Tu as l’air de ne pas croire toi-même aux miracles ?

Le Cap. Prouvez-moi qu’ils surpassent la puissance de celui qui a créé le Soleil ?

L’Esprit. J’ai cru que tu m’allois dire un capucin.

Le Cap. Pourquoi pas ? j’éclaire aussi le monde, comme tous voyez.

L’Esprit. Un pape… un vicaire… des processions … des fainéans qui y vont, au lieu de travailler… des signes de croix… des habits soi-disant orientaux… et la barbe !

Le Cap. Quand même Dieu, dans sa sagesse, ii’auroit pas imaginé tout cela, tout ce que vous venez de dire mène à une obéissance aveugle, et ne feroit que séduire sans égarer ; mais vous autres, Messieurs, vous vous égarez sans séduire.

L’Esprit. Nous cherchons le vrai.

Le Cap. L’avez-vous trouvé ? Quel sot orgueil de ne vouloir dépendre de personne, pas même de Dieu ! Un grand seigneur de ma counoissance l’appeloit le gentilhomme de là-haut, non par gaîté, mais par aristocratie. Je suis bien aise d’avoir plusieurs chefs pour me conduire, celui de l’Église, celui du Diocèse, celui du couvent, et celui de ma conscience. Je ne me mêle de rien, parce que je suis philosophe.

L’Esprit. Je me mêle de tout parce que je suis philosophe. J’écris toujours ; j’approfondis tout ; j’arrache la foudre à la Divinité, le sceptre aux Rois, l’équilibre à l’Europe, et la postérité aux ténèbres.

Le Cap. N’en coûte-t-il la vie à personne ?