Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/118

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pouvais aller, quoiqu’avec une extrême douleur pour tous les deux. Suzon se faisait violence pour retenir ses cris. Effrayée, elle tâchait de s’arracher de mes bras ; j’étais furieux d’amour et de désespoir, et je ne la serrais que plus étroitement. Mon opiniâtreté me coûta cher.

Toinette, avertie par le bruit, accourt, ouvre et nous voit. Quel spectacle pour les yeux d’une mère, d’une mère, d’une fille, d’un fils ! La surprise la rendit immobile ; et comme si elle eût été retenue par quelque chose de plus puissant que ses efforts, il semblait qu’elle ne pût avancer. Elle nous regardait avec des yeux enflammés plutôt par la lubricité que par la fureur, elle avait la bouche ouverte pour parler, et la voix expirait sur ses lèvres.

Suzon était tombée en faiblesse ; ses yeux tendres se fermaient. Sans avoir ni le courage, ni la force de me retirer, je jettais les miens alternativement sur Toinette et Suzon, sur l’une avec rage, sur l’autre avec douleur. Enhardi par l’immobilité où l’étonnement semblait retenir Toinette, je voulus en profiter : je poussai ; Suzon donna alors un signe de vie, elle jeta un profond soupir, rouvrit les yeux, me serra, donna un coup de cul. Suzon goûtait le souverain plaisir : elle déchargeait ; ses ravissements me faisaient envie ; j’allais les partager. Toinette se lança sur moi au moment que je sentais les approches du plaisir ; elle m’arracha des bras de ma chère Suzon.

ô Dieux ! n’avais-je pas assez de force pour me venger ? Le désespoir me l’ôta sans doute, puisque je restai immobile dans les bras de cette marâtre jalouse.

Le Père Polycarpe, qui n’était pas moins curieux que Toinette de savoir ce qui venait de se passer, accourut