on me demandait si véritablement c’était pour madame
Dinville que je voulais aller au château, à cela je ne
saurais trop que répondre. En général, je dirais que
c’était l’idée du plaisir qui m’y conduisait, mais je sentais
que si ce plaisir m’était présenté par Suzon, il me
serait bien plus sensible que si je le recevais de madame
Dinville. L’espérance d’y trouver ma chère Suzon n’était
pas sans vraisemblance, et voici comme je raisonnais :
Pourquoi m’a-t-on mis chez monsieur le curé ? C’est,
sans doute, parce que le Père Polycarpe s’est douté que
Toinette m’a donné une leçon qui n’est pas de son goût ;
et c’est dans la crainte que je ne m’accoutumasse trop
aisément à ces leçons qu’il a jugé à propos de me placer
ici. Toinette a bien vu autre chose de la part du Père ;
elle a donc pour le moins autant de raisons d’éloigner
Suzon du moine, que le moine en a eu de m’éloigner de
Toinette. Si je trouve Suzon au château, il y a de petits
bois dans le jardin : je l’engagerai à y venir. La petite
friponne est amoureuse, elle y viendra, je la tiendrai à
l’écart, nous serons seuls, nous n’aurons rien à craindre.
Ah ! que de plaisirs je vais goûter ! Ces agréables idées
me conduisirent jusqu’à la porte du château. J’entrai.
Tout était dans un calme profond chez madame Dinville. Je ne trouvai personne sur mon passage, ce qui me donna la liberté de traverser une longue file d’appartements. Je n’entrais dans aucun sans sentir mon cœur agité par l’espérance de voir Suzon et la crainte de ne la pas trouver.
— Elle sera dans celui-ci, disais-je, ah ! je vais la voir… Personne ! Dans un autre de même.
J’arrivai ainsi jusqu’à une chambre dont je trouvai la porte fermée, mais la clef y était. Je n’étais pas venu si loin pour reculer, j’ouvris ; ma hardiesse fut un peu