faite, ce n’est que sous la promesse que tu ne verras
plus madame Dinville. As-tu assez d’amour pour moi
pour me la sacrifier ?
— Oui, lui répondis-je, je te la sacrifie ; tous ses charmes ne valent pas un seul de tes baisers.
En lui disant cela, je l’embrassais, et elle ne rebutait pas mes caresses.
— Saturnin, reprit-elle en me serrant tendrement la main, sois sincère : madame Dinville aura exigé de toi que tu reviennes la voir : quand t’a-t-elle dit de revenir ?
— Dans trois jours, lui répondis-je.
— Et tu viendras, Saturnin ? me dit-elle tristement.
— Dis-moi ce qu’il faut que je fasse, lui répliquai-je. Si je viens, ce ne sera pour la désespérer par mon indifférence ; mais si je ne viens pas, qu’il en coûtera à mon cœur d’être si longtemps sans voir ma chère Suzon !
— Je veux que tu reviennes, reprit-elle, mais il ne faudra pas qu’elle te voie. Je ferai semblant d’être malade ; je resterai au lit, nous passerons la journée ensemble. Mais ajouta-t-elle, tu ne sais pas où est ma chambre ? Suis-moi, je vais t’y conduire.
Je me laissai mener ; je marchais d’un pas tremblant, averti par un secret pressentiment du malheur qui allait m’arriver.
— C’est ici, me dit Suzon, l’appartement qu’on m’a donné. Auras-tu regret d’y passer la journée avec moi ?
— Ah ! Suzon, lui répondis-je, quelles délices tu me promets ! Nous serons seuls, ma chère Suzon, nous nous verrons continuellement, nous nous abandonnerons à tout notre amour ! Suzon, conçois-tu ce bonheur comme moi ?