Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/190

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êtes sorti ; tâtez-vous le front, visitez votre femme, vos filles, vos fils, tout est foutu, tout est enculé.

Vous avez fait connaissance avec le Père Hilaire, serrez bien les cordons de votre bourse, vous avez affaire au plus adroit fripon. Bientôt, aux conversations consolantes, il fera succéder des peintures énergiques des besoins du couvent. Les pauvres Pères manquent de tout, ils sont nourris comme des misérables, couchés comme des chiens, leur maison tombe en ruine. Ce pauvre Père Hilaire ! Le souffrirez-vous en cet état ? Non, votre cœur s’attendrit, votre bourse s’ouvre ; puisez, Père Hilaire, puisez, vous avez trouvé votre dupe ; prenez, pillez, volez, emportez, tout est de bonne prise, vous travaillez pour l’Église.

Quelles foules de caractères odieux n’aurais-je pas à tracer si je voulais vous peindre ceux de tous les moines ! Change-t-on d’inclinations pour changer d’habit ? Non ; le buveur est toujours ivrogne, le voleur est toujours voleur, l’impudent est toujours impudent et le fouteur est toujours fouteur. Je dis plus : les passions prennent une nouvelle force sous le froc ; on les porte dans le cœur, l’exemple les fait éclore, l’oisiveté les renouvelle, L’occasion les augmente : le moyen d’y résister ?

À juger sainement de toutes ces différentes espèces d’animaux qui rampent avec mépris sur la surface de la terre, et connues sous le nom général de Moines, il faut les regarder comme autant d’ennemis de la société. Inhabiles aux devoirs que la qualité d’honnêtes gens exigeait d’eux, ils se sont soustraits à sa tyrannie, et n’ont trouvé que le cloître qui pût servir d’asile à leurs inclinations vicieuses.

On pourrait comparer leurs corps à ces fléaux du ciel, à ces nuages de sauterelles qui tombent sur une