sensible à la honte de te révéler mes dérèglements
qu’au plaisir de répandre ma douleur dans ton sein, je
vais te faire un aveu sincère de mes peines. Te le
dirai-je ? C’est toi qui les a causées. Mais mon cœur
était de moitié, ou plutôt lui seul a tout fait, lui seul a
creusé l’abîme où je suis plongée. Je t’ai toujours aimé.
Te souviens-tu encore de ces temps heureux où tu me
faisais une peinture si naïve de ta passion naissante ?
Je t’adorais dès ce temps-là. Quand je te racontais les
aventures de Monique, quand je te découvrais nos
mystères les plus cachés, je voulais t’enflammer, je
voulais t’instruire. Je voyais avec plaisir l’effet de mes
discours. J’ai été témoin de tes transports avec madame
Dinville ; les caresses que tu lui faisais étaient autant
de coups de poignard que tu portais à Suzon. Quand je
t’entraînai dans ma chambre, j’étais dévorée par un feu
que tu ne pouvais plus éteindre. C’est ici l’époque de
mes infortunes.
Tu as toujours ignoré la cause de ce bruit affreux que nous entendîmes : c’était l’abbé Fillot, ce scélérat vomi par les enfers pour faire le supplice de mes jours. Il avait conçu pour moi un amour qu’il voulait satisfaire à quelque prix que ce fût. Il avait choisi la nuit pour l’exécution de son dessein : il s’était caché dans la ruelle du lit ; il profita de ta fuite pour venir se mettre à ta place. Hélas ! il eut bon temps d’une malheureuse que la frayeur avait fait évanouir ; il fit ce qu’il voulut. Ranimée par le plaisir et trompée par ma passion, je crus le recevoir de mon cher Saturnin. J’accablai de plaisirs un monstre que j’accablai de reproches quand je le reconnus. Il voulut m’apaiser par ses caresses, je le repoussai avec horreur ; il me menaça de révéler à madame Dinville ce que j’avais fait avec toi. L’indigne