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Je l’assurai que rien au monde ne serait capable de m’en arracher l’aveu ; et, pour la convaincre de cette différence que je lui disais se trouver entre nous deux, je voulus lui prendre la main ; elle la retira, et nous continuâmes notre entretien jusqu’à la maison.

Je voyais bien que cette petite friponne prenait goût à mes leçons, et que si je la trouvais encore une fois cueillant des fleurs, il ne me serait pas difficile de l’empêcher de crier. Je brûlais d’envie de mettre la dernière main à mes instructions et d’y joindre l’expérience.

À peine étions-nous entrés dans la maison que nous vîmes arriver le Père Polycarpe ; je démêlai le motif de sa visite, et je n’en doutai plus, quand sa révérence eut déclaré d’un air aisé qu’elle venait prendre le dîner de famille. On croyait Ambroise bien loin : il est vrai qu’il ne les gênait guère, mais on est toujours bien aise d’être débarrassé de la présence d’un mari, quelque commode qu’il soit. C’est toujours un animal de mauvaise augure.

Je ne doutai pas que je n’eusse cette après-midi le même spectacle que j’avais eu la veille, et sur-le-champ je formai le dessein d’en faire part à Suzon. Je pensais, avec raison, qu’une pareille vue serait un excellent moyen pour avancer mes petites affaires avec elle ; je ne lui en parlai pas. Je remis cette épreuve à l’après-dînée, bien résolu à n’employer ce moyen qu’à l’extrémité, comme un corps de réserve décisif pour une action.

Le moine et Toinette ne se gênaient pas en notre présence : ils nous croyaient des témoins peu dangereux. Je voyais la main gauche du Père se glisser mystérieusement sous la table et agiter les jupes de