— Je consens à te le dire, me répondit la Sœur ; mais sois discrète, car tu me perdrais, ma chère Suzon.
— Je ne sais, Saturnin, poursuivit ma sœur après un moment de silence, si je dois révéler tout ce qu’elle m’apprit.
L’envie de savoir une histoire, dont le prélude me charmait, me donna des expressions pour vaincre l’irrésolution de Suzon. Je mêlai les caresses aux assurances, et je vins à bout de la persuader. C’est la Sœur Monique qui va s’exprimer par la bouche de Suzon.
Quelque emporté que doive paraître le caractère de cette Sœur, je crains que mes expressions ne soient encore au-dessous de la réalité. Le peu de temps que j’ai passé avec elle m’en a fait concevoir une idée qu’il ne m’est guère possible de rendre fidèlement.
HISTOIRE DE LA SŒUR MONIQUE
Nous ne sommes pas maîtresses des mouvements de
notre cœur. Séduites en naissant par l’attrait du plaisir,
c’est à lui que nous offrons nos premiers sentiments.
Heureuses celles dont le tempérament ne
s’effraye pas des conseils austères de la raison ! Elles
y trouvent un secours contre le penchant de leur cœur.
Mais doit-on leur envier leur bonheur ? Non. Qu’elles
jouissent du fruit de leur sagesse : elles l’achètent assez
cher, puisqu’elles ne connaissent pas le plaisir. Eh !
qu’est-ce que cette sagesse, après tout, dont on nous
étourdit les oreilles ? Une chimère, un mot consacré à