me serrerait de même ; je collerais sur sa bouche vermeille
des baisers enflammés ; je les prodiguerais sur
ses yeux, ses beaux yeux noirs et pleins de feux ; il me
tiendrait dans ses bras ; quelle volupté ! Il répondrait à
mes transports par des transports aussi vifs ; j’en ferais
mon idole ! Oui, je l’adorerais : un beau garçon comme
lui mérite bien de l’être. Nos âmes se confondraient :
elles s’uniraient sur nos lèvres brûlantes. Ah ! cher
Verland, pourquoi n’es-tu pas ici ? Quelles délices !
L’amour en inventerait pour nous, je me livrerais à
tout ce que ma passion m’inspirerait. Mais hélas ! reprenais-je,
pourquoi m’abuser par une si douce illusion ?
Je suis seule, hélas ! je suis seule, et, pour comble de
douleur, je tiens dans mes mains une ombre, une apparence
de plaisir, qui ne sert qu’à augmenter mon désespoir,
qui m’inspire des désirs sans pouvoir les satisfaire.
Instrument maudit, continuai-je en apostrophant le
godmiché et en le jetant au milieu de ma chambre avec
rage, va faire les délices d’une malheureuse à qui tu
peux servir ; tu ne feras jamais les miennes : mon doigt
vaut mille fois mieux que toi ! J’y eus aussitôt recours
et je me donnai tant de plaisir que j’oubliai la perte de
ceux que je m’étais promise d’avoir avec le godmiché.
Je tombai épuisée de lassitude et m’endormis en pensant
à Verland.
Je ne me réveillai le lendemain que fort tard ; le sommeil avait amorti mes transports amoureux mais n’avait rien changé à la résolution que j’avais prise de sortir du couvent. Les mêmes raisons qui m’avaient déterminée à prendre cette résolution me firent encore sentir avec plus de force la nécessité de l’exécuter. Je me regardai dès lors comme libre, et le premier usage que je fis de ma liberté fut de me tranquilliser au lit jusqu’à