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dont je le serrais amoureusement ; je le baisais à la bouche, tandis que de la main gauche, tenant l’objet de tous mes vœux, je tâchais de me l’introduire et de me procurer un plaisir plus solide. Un égal transport le fit coucher sur moi : il se mit à pousser.

— Arrête, lui dis-je d’une voix entrecoupée par mes soupirs, arrête mon cher Martin ; ne va pas si vite, restons un moment.

Aussitôt, me coulant sous lui et écartant les cuisses le plus qu’il m’était possible, je joignis les jambes sur ses reins. Mes cuisses étaient collées contre ses cuisses ; son ventre contre mon ventre, son sein contre mon sein, sa bouche sur ma bouche : nos langues étaient unies, nos soupirs se confondaient. Ah ! Suzon, quelle charmante posture ! Je ne pensais à rien au monde, pas même au plaisir que j’avais, n’étant occupée qu’à le sentir. L’impatience m’empêcha de le goûter plus longtemps. Je fis un mouvement. Martin en fit autant, et notre bonheur s’évanouit ; mais avant que de le perdre, nous sentîmes combien il était grand : il semblait qu’il eût ramassé ses traits les plus vifs et les plus ravissants pour nous en accabler. Nous restâmes sans sentiment, n’ouvrant les yeux que pour nous presser de nouveau ; le plaisir se refusait à nos efforts.

Il est temps, poursuivit Monique, de t’apprendre, Suzon, ce que c’était que cette eau bénite dont le Père Jérôme t’arrosa un jour la gorge en te donnant l’absolution.

Ma première action, quand Martin fut retiré de mes bras, fut de porter la main où j’avais reçu les plus grands coups. Le dedans, le dehors, tout était couvert de cette liqueur dont l’effusion m’avait fait tant de plaisir ; mais elle avait perdu toute sa chaleur et était froide