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repos. Quoiqu’il ne fût pas rempli par le plaisir de voir mon amant, il l’était par celui de penser à lui et par les agréables idées qui disposaient mon cœur aux délices que sa présence ramenait. Ah ! que les nuits heureuses que j’ai passées dans ses bras ont coulé rapidement, et que celles qui les ont suivies ont été longues !

Redouble ton attention, ma chère Suzon, redouble-moi tes promesses de m’être toujours fidèle et de ne jamais révéler un secret que je n’ai jamais confié qu’à toi. Ah ! Suzon, qu’il est dangereux d’écouter un penchant trop flatteur et de s’y livrer sans réflexion ! Si les plaisirs que j’avais goûtés étaient délicieux, l’inquiétude qui les suivit me les fit payer bien cher. Que je me repentis d’avoir été trop amoureuse ! Les suites de ma faiblesse se présentèrent à mon imagination avec des circonstances affreuses. Je pleurai, je gémis…

— Que vous arriva-t-il donc ? lui demandai-je.

— Je m’aperçus, me répondit-elle, que mes règles ne coulaient plus ; il y avait huit jours que le temps de les avoir était passé, elles ne paraissaient pas ; j’en fus surprise. J’avais souvent ouï dire que cette interruption était un signe de grossesse. J’étais continuellement attaquée de maux de cœur, de faiblesses. Ah ! m’écriai-je, il n’est que trop vrai, malheureuse ! Hélas ! je le suis, il n’en faut plus douter, je suis grosse ! Un torrent de larmes succédait à ces accablantes réflexions.

— Vous étiez grosse ! dis-je à la Sœur avec étonnement. Ah ! chère Monique, eh ! comment avez-vous fait pour en dérober la connaissance à des yeux intéressés ?

— Je n’eus, me répondit-elle, que la douleur de savoir mon malheur, et non celle d’en essuyer les suites. Martin l’avait causé, il m’en délivra. La découverte que j’avais faite ne m’empêchait pas de me rendre