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Histoire de Dom B…


reſtai immobile dans les bras de cette Marâtre jalouſe.

Le Pere Polycarpe, qui n’étoit pas moins curieux que Toinette de ſavoir ce qui venoit de ſe paſſer, accourut dans cet intervalle, & ne demeura pas moins ſurpris qu’elle, à la vûë du ſpectacle qui s’offroit à ſes yeux, ſurtout de Suzon nuë, couché ſur le dos, & qui ſe paſſoit un bras ſur les yeux, en portant la main de l’autre à l’endroit coupable, comme ſi une pareille poſture eût pû dérober ſes charmes aux regards d’un Moine laſcif. Ce fut ſur elle qu’il les porta d’abord : les miens y étoient fixés comme ſur leur centre, & ceux de Toinette l’étoient ſur moi. La ſurpriſe, la rage, la crainte, rien ne m’avoit fait débander, j’avois le Vit décaloté & plus dur que le fer, Toinette le regardoit ; cette vûë obtint ma grace, & me reconcilia avec elle : je ſentois qu’elle m’entraînoit doucement hors de la chambre, j’étois troublé, je ne ſavois ce que je faiſois : nud comme je l’étois, je la ſuivis ſans y penſer, & tout cela ſe fit ſans qu’il ſe fut dit une parole de par ni d’autre.

Toinette me conduiſit dans ſa chambre : je m’aperçûs, quand nous fûmes entrés, qu’elle fermoit la porte aux ver-