l’Abbé qui étoit à côté d’elle, faiſoit
bonne mine à mauvais jeu, & paroiſſoit
bien embaraſſé à perſuader à Madame
Dinville, que les traits railleurs
dont elle l’accabloit n’étoient pas capables
de le déconcerter. Suzon n’étoit
gueres moins confuſe ; cependant je
croyois voir dans ſes regards furtifs,
qu’elle n’auroit pas été fâchée que nous
euſſions été ſeuls. Sa vûë m’avoit encore
rendu infidelle à Madame Dinville, &
je ſouhaitois avec impatience que
nous fuſſions ſortis de table, dans l’eſperance
de trouver quelque moyen de
nous dérober. Le dîner fini, je fis ſigne
à Suzon : elle m’entendit, elle ſortit ;
j’allois la ſuivre, Madame Dinville m’arrêta,
en me diſant qu’elle vouloit que
je lui ſerviſſe d’Ecuyer à la promenade :
ſe promener à quatre heure après midi
dans l’été ! La propoſition parut extravagante
à l’Abbé, mais ce n’étoit pas
pour avoir ſon approbation qu’elle la
faiſoit : elle avoit ſes vûës ; elle ſavoit qu’il
étoit trop amoureux de ſon tein, pour
l’expoſer avec auſſi peu de menagement
à l’ardeur du Soleil, auſſi prit-il le ſage
parti de reſter. J’aurois bien voulu me
diſpenſer de ſuivre la Dame pour aller
rejoindre Suzon ; mais je n’oſois propo-
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