tremblant, averti par un ſecret preſſentiment
du malheur qui alloit m’arriver.
C’eſt ici, me dit Suzon, l’apartement
que l’on m’a donné : auras-tu regret d’y
paſſer la journée avec moi ? Ah, Suzon,
lui repondis-je, quelles délices tu
me promets ! Nous ſerons ſeuls, ma
chere Suzon, nous nous verrons continuellement,
nous nous abandonnerons
à tout notre amour : Suzon, conçois-tu
ce bonheur comme moi ! Elle
ſe taiſoit, elle paroiſſoit enfoncé dans
une profonde rêverie, je la preſſai de
s’expliquer : je t’entens bien, me repondit-elle
d’un ton qui marquoit l’agitation
de ſon ame ? tandis que nous
ſerons ſeuls, que nous nous livrerons à
tout notre amour, ah, Saturnin, que
tu parles de ce jour avec indifférence,
& que les plaiſirs qu’il te promet te
touchent peu, ſi tu as la force de les
attendre deux jours ! Je ſentis toute la
force de ſon reproche.
L’impoſſibilité de lui en prouver l’injuſtice, me mettoit au deſeſpoir : une foule de refléxions cruelles vint ſe preſenter à mon imagination, quels triſtes retours ſur les plaiſirs que je venois de goûter avec Madame Dinville ! Je les maudiſſois, je les deteſtois, je