il ſembloit qu’une mer immenſe ſe preſentât
à mes yeux, & m’empêchât de
gagner le rivage : je m’élançois, &
je me retenois auſſi-tôt. Le Ciel a-t’il
gravé dans nos cœurs des preſſentimens
de ce qui doit nous arriver ? Oüi ſans
doute, & je l’éprouvois ; dans le moment
on ouvre la porte fatale, on m’apelle,
je deſcens : infortuné, je courois
à ma perte ; mais quelle joye délicieuſe
devoit la précéder !
J’entre d’un air timide à la lueur tremblante d’une lampe : je vas m’aſſeoir ſans parler ſur une chaiſe, j’apuye le coude ſur une table mal aſſurée, je me couvre les yeux avec la main, comme ſi j’euſſe voulu me dérober aux refléxions qui venoient en foule m’aſſaillir. Une quêteuſe infernale s’avance : je lui donne le premier argent qui me tombe ſur la main ; elle me remercie d’une généroſité ſi peu commune. Sans faire attention à ſes diſcours, je ne m’occupois que de ma douleur. Un maintien auſſi triſte dans le temple de la joye, en ſurprit les Prêtreſſes : la vieille Sibille s’aproche de moi pour m’en demander le ſujet, je la repouſſe brutalement, elle s’en plaint ; laiſſés, Ma-