Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/137

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vais en accuser qu’un changement de résolution. Sur cette pensée, je crus que je pouvais reprendre haleine et ne pas précipiter mes coups ainsi que je l’avais fait.

Deux décharges abattent un peu les fumées de l’amour ; l’illusion se dissipe, l’esprit rentre dans ses fonctions ; les nuages s’évanouissent, les objets cessent d’être ce qu’ils étaient. Les belles y gagnent, les laides y perdent : tant pis pour elles. Je voudrais en passant donner un conseil à celles-ci : Laides, quand vous accordez des faveurs à quelqu’un, ménagez-le, ne l’en accablez pas : quand on n’a plus rien à désirer, on ne désire plus ; la passion s’éteint par une jouissance trop complète. Prenez-y garde : vous n’avez pas les ressources d’une belle à qui les charmes promettent le retour de ces désirs qu’elle vient d’assouvir et que le moindre désir rallume.

La réflexion que je viens de faire cadre le mieux du monde avec ce que j’éprouvai. Je m’amusais à parcourir avec la main les beautés de ma nymphe ; j’étais surpris de trouver une différence dans les choses que j’avais maniées un instant auparavant. Ses cuisses, qui m’avaient paru douces, fermes, remplies, unies, étaient devenues ridées, molles, sèches ; son con n’était plus qu’une conasse, ses tétons que des tétasses ; ainsi du reste. Je ne pouvais concevoir un pareil prodige ; j’accusais mon imagination de s’être