Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/165

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sine dont l’air riant et docile me faisait connaître que mes désirs ne languiraient qu’autant de temps que j’aurais la simplicité de ne pas les expliquer. Je sentis bien que ce n’était pas l’envie de faire la vestale qui la faisait trouver au milieu d’une bande de moines ; mais le bonheur qu’elle semblait m’offrir me paraissait si grand, que j’avais peine à le concevoir ; j’étais tremblant, et, dans la crainte qu’elle m’échappât, à peine aurais-je pu former le dessein de le demander. J’avais la main sur sa cuisse, que je pressais contre la mienne ; je sentis qu’elle me la prenait et la passait par l’ouverture de son jupon ; je connus son dessein, je portai bientôt le doigt où elle le désirait. Le toucher d’un endroit qui m’était interdit depuis longtemps me causa un frémissement de joie qui fut aperçu de la bande, qui me cria : Courage, père Saturnin, vous y voilà. Peut-être me serais-je déconcerté de cette exclamation, si Marianne (c’était le nom de notre déesse) ne m’eût sur-le-champ donné un baiser et déboutonné ma culotte d’une main, tandis qu’elle passait l’autre bras autour de mon cou, et, empoignant mon vit : Ah ! pères, s’écria-t-elle en le leur montrant, en avez-vous de cette beauté-là ? Il se fit un brouhaha d’admiration, et chacun la félicita sur son bonheur prochain. Elle en était enchantée. Alors le père Casimir, imposant silence à la troupe, m’adressa la parole. — Père Saturnin, me dit-il, disposez de Marianne ; vous la voyez, dispensez-moi de faire