Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/175

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avec elle ce que leur père faisait avec leurs sœurs. Descendons au déluge. Il ne restait dans le monde que la famille de Noé ; il fallait nécessairement que le frère couchât avec la sœur, le fils avec sa mère, le père avec sa fille, pour repeupler la terre. Allons plus loin : Loth fuit de Sodome ; ses filles qui avaient devant les yeux l’intention du Créateur, et qui venaient de voir leur bonne femme de mère changée en statue pour avoir été trop curieuse, s’écrièrent dans l’amertume de leur cœur : Hélas ! le monde va donc finir ? Elles auraient été coupables au yeux de Dieu si elles n’avaient pas rétabli ce qu’il venait de détruire ; et Loth, pénétré de cette vérité, y contribua de tout son pouvoir. Voilà la nature dans sa première simplicité. Les hommes, soumis à ses lois, se faisaient un devoir de les suivre ; mais bientôt corrompus par les passions, ils oublièrent la volonté de cette tendre mère ; ils ne voulurent pas rester dans l’état heureux où elle les avaient placés ; ils renversèrent tout, se forgèrent des chimères qu’ils qualifièrent de vertus et de vices, inventèrent des lois qui, au lieu de faire naître la vertu, engendrèrent le vice. Ces lois ont fait les préjugés, et ces préjugés, adoptés par les sots et siffles par les sages, se sont fortifiés d’âge en âge. Il fallut donc que ces impertinents législateurs, en renversant les lois de la nature, refondissent les cœurs qu’elle nous avait donnés ; il fallut qu’ils réglassent nos désirs, qu’ils y missent des bornes. La nature, au