Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/48

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doigt de la main gauche avec le pouce, et mit dans cette espèce de fente le second doigt de sa main droite : il le poussait, le retirait et jetait des soupirs. Le fripon me rappelait par là des circonstances trop charmantes pour me laisser la force de lui témoigner la colère que méritait ce nouveau manque de respect. Ah ! Suzon, que j’étais contente de lui ! et que je me figurais que je l’aurais été bien davantage, si nous nous fussions trouvés seuls ; mais, quand nous l’aurions été, une grille impénétrable eût arrêté nos plaisirs.

Dans le moment on appela ma compagne ; elle nous dit qu’elle allait voir ce qu’on lui voulait et qu’elle ne tarderait pas à revenir. Son frère profita de cet instant pour s’expliquer plus clairement ; il ne me tint pas de grands discours, mais ils signifiaient beaucoup. Quoique le compliment ne fût pas absolument poli, il me parut si naturel que je m’en souviens avec plaisir. Nous autres femmes, nous sommes plus flattées d’un discours où la nature parle toute seule, quelque peu mesurées qu’en soient les expressions, que de ces galanteries fades que le cœur désavoue et que le vent emporte. Revenons au compliment de Verland ; le voici : « Nous n’avons pas de temps à perdre ; vous êtes charmante, je bande comme un carme, je meurs d’envie de vous le mettre ; enseignez-moi un moyen de passer dans votre couvent. » Je fus si étourdie de ses paroles et de l’action dont il les dit, que je demeurai immo-